Différents de mes récits ont été publiés dans des revues littéraires. Quelques exemples sont présentés ici.
Texte publié en décembre 2022 dans la revue Ancrages.

Nitescence
Seymour est une rue en attente. Elle attend les livreurs du théâtre d’à côté. Elle attend les marcheurs qui cherchent Oak Lane. Elle attend les stationneurs venus se poser sans porter attention à la beauté de ses murs de briques. Et elle attend, en retenant son souffle, l’arrivée toujours discrète de ceux et celles qui connaissent le secret bien gardé, cette alcôve cachée dans ses entrailles, le cœur de la ville.
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La nuit prend forme par un souffle, un saoul et un pouf.
Jeanine avait été incapable de se débarrasser du gros coussin en velours doré qui l’accueillait à l’entrée depuis plus de 20 ans. Elle s’était convaincue que ses sentiments pour le velouté du meuble seraient partagés et l’avait donc placé délicatement au coin de la rue, persuadée qu’il vivrait une autre longue vie loin de la désolation contrôlée du théâtre. Mais la plus grande qualité du pouf, la nuit nous dira, est de pouvoir rouler jusqu’au centre de la rue Seymour, dans l’attente de l’homme saoul qui, soudainement désorienté par un coup de vent bien placé, finira par s’y écraser de tout son long.
Au loin, on entend le mascaret poursuivre sa course, sa deuxième de la journée. Mais le son de la vague est masqué par celle d’un souffle. Celui du garçon qui regarde le saoul. Il n’aime pas le noir, n’a jamais aimé le noir, et devant lui, le saoul est saoul et il est couvert de nuit. Il n’avait pas prévu de devoir gérer la présence d’un pouf. Encore moins celle d’un saoul. En fait, il n’avait même pas prévu la nuit et qu’elle puisse être aussi noire. Il n’avait pas prévu.
Il balaye la rue du regard. Seymour elle-même ne semblait pas s’attendre au saoul. Il ne livre rien, ne stationne rien et en plus il ne marche même plus. Il roule. Mais elle l’attendait lui. Le garçon. Celui qui s’éloigne de son ombre.
(…)